Alors que le marché médiéval s’animait au cœur de la petite ville de Montclaire, le bruit des étals explosait en un mélange de cris, de rires et d’échos de transactions. Les marchands, le visage rougeaud et souriant, étalaient fièrement leurs marchandises : des tissus colorés, des fruits brillants et des esprits de fer avec leurs ardeurs contagieuses. Au milieu de cette cacophonie joyeuse, un homme se tenait à l’écart, son regard distant glissant sur la foule qui se mouvait devant lui comme une rivière de couleurs et de sons.
Ce chevalier en armure, dont les plaques scintillantes reflétaient les rayons du soleil d’automne, paraissait comme un spectre, étrangement désaccordé avec l’effervescence alentour. L’armure, bien que soigneusement entretenue, portait les marques d’anciens combats, comme autant de cicatrices que le temps avait laissées. Seul son regard, d’un bleu profond, trahissait une humanité si tranchante qu’elle semblait pouvoir percer les cœurs, dévoilant les secrets les plus enfouis.
Les enfants, insouciants, couraient autour de lui en riant, lançant des pierres dans le ruisseau voisin, pendant qu’une ménagerie de gens s’entassait autour d’un étal de charcuterie, alimentant l’odeur délicieuse des saucisses grillées. Mais le chevalier ne voyait pas ces spectacles joyeux. Il scrutait la foule, l’air pensif, comme s’il cherchait quelque chose ou quelqu’un. Comme s’il savait que le destin s’était glissé parmi les paysans et les artisans, caché dans l’ombre d’un stand de poteries.
Érigé à quelques pas de lui se tenait une femme, drapée d’une robe de laine simple, qui fixait aussi le sol. Ses longs cheveux bruns, emmêlés et parsemés de feuilles dorées, tombaient en cascade sur ses épaules. De temps à autre, elle levait les yeux dans sa direction, et un frisson d’émotion traversait ses traits. Après un instant, elle se décida. La détermination inscrite sur son visage ne laissait place à aucun doute.
« Sir Raoul ! » appela-t-elle, sa voix s’élevant légèrement au-dessus du brouhaha. L’appellation fit vibrer l’air, attirant l’attention des autres qui se retournaient avec curiosité. Le chevalier, surpris, revint à lui-même et se tourna vers elle, ses yeux se fixant sur son visage, comme s’ils y décryptaient un ancien secret.
« Myrène, » répondit-il, un soupçon de surprise dans sa voix, mais aussi d’inquiétude. « Que fais-tu ici ? Ce n’est pas un endroit pour une femme comme toi. » Il fit un pas en avant, son armure tintant délicatement.
« J’ai besoin de te parler, » insista-t-elle, le ton sérieux, presque pressant. « C’est au sujet de l’étrange silhouette que l’on a vue près des bois. Je crois qu’il y a quelque chose de terrible qui se prépare. »
Le chevalier blêmit légèrement, son cœur se serrant à l’idée de ce qui pourrait rôder dans l’ombre. Il avait entendu les rumeurs circuler parmi les villageois, murmures de réapprovisionnement de l’ancienne malédiction. Mais il savait qu’il ne pouvait pas s’appesantir sur cela maintenant, pas ici, devant les yeux curieux de la foule.
« Nous devons trouver un endroit plus sûr, quelque chose de discret, » murmura-t-il, hanté par des souvenirs et des promesses que la guerre avait arrachés.
Il posa une main douce sur son épaule, et dans ce contact, un frisson électrique se transmit entre eux. Peut-être cette connexion était-elle due à des années passées à combattre côte à côte, à affronter des dangers inimaginables. Mais alors que la tension montait, son regard s’assombrit, comme la mer avant la tempête.
« Viens, » ajouta-t-il, désignant une ruelle étroite, loin de la frénésie du marché, où les rires se faisaient plus lointains, étouffés par les murs de pierre. Ils s’y introduisirent, le regard de Raoul scrutant encore une fois les ruelles inexplorées, une sensation d’inquiétude grandissant en lui. Alors qu’ils avançaient, une ombre passa furtivement derrière eux, à peine perceptible, mais suffisamment pour faire frémir l’arrière-pensée du chevalier.
À cet instant, Myrène s’arrêta, regardant en arrière. « Tu crois qu’il nous suit ? » demanda-t-elle, une légère tremblement faisant vibrer sa voix. Raoul ne répondit pas tout de suite, la tension se cristallisant autour d’eux. Ils pourraient faire face, ensemble comme toujours, mais le mystère de ce qui les attendait se densifiait à chaque seconde, comme une toile d’araignée piégeant tout ce qui oserait s’y aventurer.
« Ne perdons pas de temps, » souffla-t-il, alors qu’un bruit sourd interrompait la tranquillité de la ruelle, un son qui n’évoquait rien de bon. Un frisson lui traversa l’échine : que cachait la foule, et que dissimulaient ces jours paisibles ? Un mystère se tissait, insaisissable, hantant leurs esprits et leurs cœurs, et il savait qu’ils n’étaient qu’au début d’une découverte qui pourrait tout changer.
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